Chapitre 3 – La mort et la vie
Je ne sais pas combien de temps je suis resté inconscient, allongé là sur le sol. Je me souviens seulement de m’être éveillé au milieu d’une obscurité quasi totale. Après quelques instants d’adaptation, je recouvrai tous mes esprits et je me redressai avec une déconcertante facilité. Je me sentais bizarrement très bien et j’avais l’impression d’être en parfaite santé. Dans ces profondes ténèbres, mon regard fut attiré par un mince filet de lumière qui émergeait droit devant moi à hauteur d’homme. Je ne voyais rien autour de moi et cette lumière était mon seul point de repère. Je me dirigeai donc vers celui-ci en marchant à tâtons. Je fus surpris par la consistance du terrain. On aurait dit du sable et mes pieds frappaient régulièrement de grosses pierres à mesure que je me rapprochais de la source lumineuse. Après quelques pas, j’avais atteint mon but, une paroi friable d’où filtrait plusieurs rayons de lumière. Je ramassai une pierre qui se trouvait à mes pieds et je frappai la paroi de toutes mes forces. Contre toute attente, le mur s’écroula comme un château de cartes !
Au dehors, la lumière du jour était si vive qu’elle m’aveugla un moment, le temps que mes yeux s’habituent à cette soudaine clarté. Quand je pus enfin les rouvrir, je vis un immense désert de pierres et de cailloux à perte de vue où seulement quelques montagnes rocheuses découpaient l’horizon. J’étais moi-même sur une petite colline. En me retournant, je découvris ce qui ressemblait à une grotte naturelle taillée dans la roche. J’étais stupéfait, hébété par un tel spectacle ! Par quel miracle avais-je bien pu atterrir dans un lieu pareil ? Comment avais-je pu être transporté d’une cabane de la forêt vosgienne dans cet endroit qui me rappelait le désert du Sahara ? J’avoue qu’il m’a fallu plusieurs minutes pour me remettre de cet état de grande perplexité. Mais que faire face à un mystère qui dépasse de très loin la raison, si ce n’est d’accepter la réalité telle qu’elle est ? Plus facile à dire qu’à faire…
Quand je repris enfin mes esprits, je fus envahi par un immense soulagement. Je n’étais pas mort suite à cet accident stupide qui aurait pu me coûter la vie ! Mais après réflexion, j’éprouvai une vive émotion et le doute s’empara de moi. N’étais-je pas mort finalement ? Transporté dans un au-delà, une vie après la vie dont on parle tant aujourd’hui ? Je ne savais pas quoi penser de tout cela et pour ne pas céder à la panique, je me résolus à fermer les yeux pour inspirer et expirer de profondes bouffées d’air. Cet exercice simple que j’avais l’habitude de pratiquer m’aida à retrouver un peu de calme et de sérénité. D’ailleurs, grâce à lui, je pris conscience que je respirais toujours. J’étais donc bel et bien en vie ! Je scrutai alors les environs afin d’évaluer un peu mieux la situation. Mon regard se posa sur une fine colonne de fumée blanche que je distinguais à peine au loin. Elle semblait surgir d’une tâche verte qui détonait avec le brun du désert. Je compris qu’il devait s’agir d’une petite oasis et comme il n’y avait jamais de fumée sans feu, j’espérais de tout mon cœur rencontrer des êtres humains dans cet improbable îlot de verdure au sein de cet océan désertique.
Sans plus attendre, je descendis de la colline avec une surprenante agilité. J’étais comme porté par l’espoir de trouver de l’aide et des réponses à mes questions. L’oasis paraissait assez loin de ma position, environ cinq kilomètres au jugé. Je marchais droit en direction de la colonne de fumée blanche d’un pas léger et avec une étonnante habileté. Je n’étais nullement éprouvé par le soleil de plomb qui rayonnait dans le ciel azur. J’avais l’impression de ne subir ni les effets de la chaleur ni ceux de la gravitation, et après environ dix minutes seulement, je me retrouvai aux portes de l’oasis ! Il y avait là des dizaines de palmiers-dattiers, des arbres fruitiers, un champ de céréales et même un jardin potager. Des canaux d’irrigation dispensaient une eau précieuse bien que saumâtre à la végétation. Celle-ci provenait d’une grande mare au centre de l’oasis. Quelques chèvres broutaient tant bien que mal les quelques feuilles vertes des buissons aux alentours. J’entendis alors clairement le son d’une voix humaine et je m’élançai précipitamment dans sa direction.
Extrait du livre Le pèlerin et les sept princesses, la quête des pierres de lune, J.M. Montsalvat, 2022. À paraître fin septembre 2022.