LE MIROIR DE L’ÂME – UN CONTE SOUFI D’AUJOURD’HUI (CHP12)

Le miroir de l'âme, un conte soufi d'aujourd'hui

Chapitre 12 – Le puits

Le prince avait retrouvé toute sa vigueur. Il se souciait dorénavant du chemin qui lui permettrait de rentrer au palais sain et sauf. Comment allait-il faire alors que sa bourse remplie de pièces d’or et son cheval alezan avaient été dérobés ? La vieille femme qui lut parfaitement cette agitation sur son visage lui adressa la parole : « Calme-toi mon garçon. Je vais t’aider à rentrer chez toi. Mais avant, tu pourrais peut-être me dire ton nom ?
– Ah oui… Je m’appelle Yansa et je te remercie du fond du cœur pour tout ce que tu as fait pour moi.
– Avec plaisir, Yansa. Moi, je suis Yana, l’ermite des bois. Raconte-moi un peu ce qui t’est arrivé.
– Je me rendais à la fête du printemps avec un ami. Elle se déroule tous les ans dans une bourgade pas très loin d’ici. Mais arrivé au village, j’ai été attaqué par des mercenaires qui m’ont poursuivis jusque dans cette forêt. J’ai fait une chute de cheval et je crois avoir perdu connaissance. Ils m’ont ensuite détroussé et m’ont volé mon cheval.
– Je vois… Il y a effectivement des soldats qui se sont installés dans un village à moins une demi-lieue d’ici. Ils saccagent tout sur leur passage.
– Du coup, je n’ai plus les moyens de rentrer chez moi en toute sécurité…
– Oui, d’autant plus que ces mercenaires semblent s’être installés dans la région pour un moment. Je me demande même s’ils ne préparent pas une invasion ? Le problème, c’est qu’ils patrouillent aux alentours de la forêt. Tu ne pourras malheureusement pas reprendre la route par laquelle tu es arrivé ici, car j’ai bien peur qu’ils ne te tuent !
– Je suis donc condamné à rester là ? se lamenta le jeune prince.
– Non, mon garçon. Il y a peut-être un autre moyen. D’où viens-tu exactement ?
– Je suis le prince Yansa, fils du souverain de ce royaume. Je vis au palais royal qui se trouve à environ cinq jours de cheval d’ici.
– Je vois… Il y a donc une autre possibilité. Un voyage beaucoup moins dangereux, certes, mais diablement plus long !
– C’est-à-dire… demanda Yansa intrigué.
– Eh bien, il y a des galeries souterraines qui courent sous la forêt et qui s’étendent même au-delà. Si tu les empruntais, tu pourrais éviter les soldats et peut-être trouver du secours.
– Oui, c’est une très bonne idée. Pourrais-tu m’y conduire ?
– Je ferais mieux que ça. Je te guiderais moi-même dans ce dédale infernal afin que tu ne t’y perdes pas.
– Merci beaucoup ! dit-il soulagé.
– Maintenant, repose-toi et dors un peu. Nous partirons à l’aurore. ».
À l’aube, Yana réveilla le jeune prince. Ils se mirent aussitôt en route après avoir bu un peu d’eau. Sans ses vêtements d’apparat, pieds nus et simplement habillé d’une longue tunique et d’un pantalon noirs, le prince ne semblait déjà plus être le même homme. Les deux compagnons s’enfoncèrent dans la forêt sous une pluie fine. Yana ouvrait la marche d’un pas résolu, sa besace en bandoulière. Après une heure d’efforts dans une végétation hostile, ils étaient arrivés au pied d’une sorte d’énorme puits naturel qui s’enfonçait dans les entrailles de la terre. Un escalier de pierre en colimaçon descendait le long de la paroi. Sans plus tarder, ils s’engagèrent dans le puits dont on ne voyait pas le fond. Yana passa en premier.
Les quelques rayons de soleil qui perçaient jusque là permettaient d’éclairer le début de la voie. De l’eau ruisselait le long des parois rendant les marches de pierre très glissantes. Yansa se déplaçait lentement et avec beaucoup de précaution à l’entame de cette descente périlleuse. D’autant plus que l’escalier ne possédait aucune rambarde de sécurité. À mi-parcours, les deux compagnons furent plongés dans l’obscurité, la lumière d’en haut ne pouvant plus pénétrer les épaisses ténèbres du puits. À partir de ce moment-là, ils marchèrent à tâtons adossés à la paroi pour éviter de tomber dans le vide. L’exercice fut difficile pour Yansa. En bas, une faible lueur rassura un peu le jeune homme. Arrivés au fond du puits, le prince constat que cette lumière provenait d’une petite lampe à huile accrochée au mur à côté d’une porte en bois. Sur le linteau, on pouvait lire : « Vous qui pénétrez ici, abandonnez tout espoir ! ». Un frison parcourut l’échine du garçon : « Des mots lugubres pour nous accueillir après une pareille descente ! À qui peuvent-ils bien être destinés ?
– Mais à toi mon garçon, puisque tu lis ces mots ! Il y eut un long silence.
– Qu’est-ce que ça signifie ? Tu m’avais parlé d’un souterrain pour m’évader de cette forêt sans être capturé par les mercenaires !
– Exactement, il se trouve derrière cette porte. La légende raconte qu’elle s’ouvre sur les enfers…
– Les enfers, dis-tu ?
– N’aie pas peur. Cette légende n’est destinée qu’à faire fuir les curieux. ».

Extrait du livre Le miroir de l’âme, un conte soufi d’aujourd’hui, J.M. Montsalvat, 2022. À paraître fin janvier 2022.