Saâdi (vers 1200 – vers 1292) est considéré comme l’un des plus grands poètes et conteurs persans de la période médiévale. On lui doit le très célèbre « Jardin des roses » qui a notamment influencé le Moyen Âge occidental. On connaît un peu moins « Le Jardin des fruits », qui pourtant est tout aussi extraordinaire. Notons au passage que l’ancien président français Sadi Carnot (1837-1887) doit son prénom à son grand-père, qui fut un fervent admirateur du poète persan.
Ecoute avec attention ce que te dit Saâdi. Ses remarques et ses conseils te seront profitables.
Avant de bander ton arc, réfléchis. La flèche lancée, il sera trop tard.
Si un chien te mord, ne t’en prends qu’à son propriétaire.
Si tu as semé un chardon, n’espère pas voir pousser un jasmin.
Le hanneton qui est juché sur une rose est encore un hanneton.
Si tu as dans ta poche un flacon rempli de musc, tu n’as pas besoin d’aller chanter cela partout. Le parfum du musc parle pour toi.
Le tumultueux torrent qui descend des montagnes va se perdre dans les ravins, mais la plus modeste goutte de rosée est aspirée par le soleil qui l’élève jusqu’aux étoiles.
Le tigre et le rat qui tombent dans un piège sont aussi ridicules l’un que l’autre.
Si tu souffres, sois patient et espère. Le jour ne naît-il pas de la nuit ?
Je compare ton cœur à une ville où les justes et les méchants vivent pêle-mêle. Tu es le sultan de cette ville, et le vizir est ta raison.
Cueille les roses sans te soucier de leurs épines.
Les beaux fruits que le jardinier offre au sultan, il les a cueillit dans les jardins du sultan.
Ton corps est une merveilleuse prairie qu’arrosent les canaux de tes veines.
Ne pleures pas sur les morts, qui ne sont plus que des cages dont les oiseaux sont partis.
Si ton cœur est plein de perles, imite l’huître, ferme bien ton cœur.
Source : Saâdi – Le Jardin des Fruits, traduit du persan par Frantz Toussaint – Gallimard, collection Folio Sagesse – 2013
L'aube naissante 