Chapitre 6 – Un cadeau précieux
Les méprisables compères chevauchèrent toute la nuit, accompagnés du roi Ab qui était attaché sur un âne comme un vulgaire fardeau. Cependant, ils ne prirent pas la direction de Kafara. Au contraire, ils allèrent directement vers le Sud. Au petit matin, ils avaient atteint les rivages de la mer méridionale. La côte était magnifique à voir à l’aurore. Les rayons d’un soleil rouge sang éclairaient les immenses falaises d’albâtre, entrecoupées de-ci de-là par de longues plages de sable blanc. À la vue de ce spectacle grandiose, Ab avait bien pressenti ce qui l’attendait. Les sbires de Ghadir l’emmenèrent jusqu’au bord de la plus haute falaise, et là, alors que l’ancien souverain leur tournait le dos pour regarder l’horizon, ils lui tranchèrent la tête, jetant le corps et celle-ci dans la mer.
Leur basse besogne accomplie, ils rentrèrent au palais à brides abattues pour annoncer la nouvelle à Ghadir et réclamer la récompense promise. Comme prévu, ils ne firent aucun arrêt en route et ne parlèrent à personne de leur mission. À la nuit tombée, ils étaient arrivés au point de rendez-vous situé un peu en dehors de la cité des Saules. Ghadir les attendait avec deux énormes sacs à la main. Il leur adressa en premier la parole : « Est-il mort ? dit-il d’une voix à peine audible.
– Oui, la tête tranchée, puis le tout jeté dans la mer, depuis la plus haute falaise, répondirent les deux acolytes.
– Parfait. Avez-vous été vu ? chuchota-t-il.
– Non, nous avons été absolument discrets. Aucun témoin, comme convenu.
– Très bien. Ces deux sacs bien remplis sont pour vous.
– Notre récompense ! Deux sacs remplis d’or je parie, s’exclamèrent ensemble les deux larrons. Mais leur joie fut de courte durée. Qu’est-ce que ça veut dire ? Il n’y a que des pierres dans ces sacs !
– Exactement, des pierres qui vous accompagneront dans la rivière ! conclut Ghadir un sourire malsain aux lèvres. ».
Au même moment, deux flèches vinrent transpercer la poitrine des deux larrons et ils s’écroulèrent sur le sol dans un même mouvement. Deux soldats de la garde personnelle de Ghadir sortirent des buissons un peu plus loin. Ils rangèrent leurs arbalètes et mirent les corps dans les sacs avec les pierres. Puis, ils jetèrent le tout dans la rivière. Ainsi, seul Ghadir connaîtrait dorénavant le terrible secret…
Le lendemain matin, il annonça à Nafs que l’ancien roi Ab avait été enfermé dans une geôle de la prison de Kafara. Il lui affirma qu’il n’y avait eu aucun témoin lors du transfert et que Ab serait bien traité. Avec le temps, il finirait par être oublié. Nafs s’en réjouit, parce qu’il n’avait désormais plus aucun souci. Il avait les mains libres pour poursuivre son œuvre, à commencer par soumettre les villageois récalcitrants et mater les quelques soldats de l’ancienne garde royale restés fidèles à son père et qui se cachaient dans les campagnes.
De son côté, Oum était arrivée incognito dans le petit village de pêcheurs situé au bord de la mer, à la frontière Sud du royaume. Seule et enceinte, elle fut recueillie par un vieux et humble pêcheur qui fut l’ami intime de son époux. Il l’accueillit à bras ouverts et lui offrit le gîte, le couvert et la sécurité dont elle avait besoin pour vivre sa grossesse dans les meilleures conditions. Quelques jours plus tard, ils apprirent la mort du roi Ab, nouvelle colportée par les sbires de Nafs dans tout le royaume. Les semaines se succédèrent, le vieux pêcheur veillait sur la reine du mieux qu’il le pouvait, pour honorer la mémoire de son défunt ami.
Ainsi, quelques mois après sa fuite du palais royal, Oum donna la naissance à un fils. Elle le nomma Nafis, ce qui signifiait précieux dans sa langue maternelle, car pour elle, son fils était ce qu’elle avait de plus cher au monde. Les années passèrent et Nafis grandit sous le regard bienveillant de sa mère. Il devint fort, bon et juste comme son père, dont il ignorait tout au demeurant. De même, il était aussi intelligent et vif d’esprit que sa mère. Le vieux pêcheur lui avait transmis tout son savoir durant ces années passées auprès de lui. Grâce à ce vieux bonhomme, qu’il considérait comme son grand-père, Nafis était devenu aussi habile pêcheur que chasseur. Le jour de ses seize ans, le vieil homme quitta définitivement ce monde. Nafis était dorénavant l’unique homme de la maison.
Extrait du livre Prince Nafis, des rubis couleur du sang, J.M. Montsalvat, 2021.
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