Chapitre 2 – Une heureuse nouvelle
De bon matin, un peu après le solstice d’hiver, un rayon de lumière perça la grisaille du ciel et vint réveiller la reine. Fraîche comme la rose et le cœur rempli de joie, Oum avait eu une vision pendant la nuit et il fallait absolument qu’elle partage cette révélation avec son mari. Elle s’habilla hâtivement et courut en direction de la chapelle royale où Ab avait coutume de se recueillir à l’aube. Arrivée, elle reprit son souffle et poussa lentement la porte. Elle aperçut le roi assis à même le sol sur un tapis, adossé au mur Ouest de la chapelle. Les yeux fermés, il semblait s’être endormi. Elle entra et resta sur le seuil de la porte ne voulant pas le réveiller. C’est alors que le roi lui adressa la parole : « Je ne dors pas, qu’y a-t-il Oum ?
– Eh bien, j’ai eu une vision cette nuit, dit-elle hésitante.
– Viens t’asseoir à mes côtés et raconte-moi ta vision, répondit Ab d’une voix affectueuse. Oum prit deux coussins. Elle posa le premier sur le sol et le second contre le mur, puis elle s’installa confortablement auprès de son époux. Je t’écoute, continua Ab.
– Voilà, j’étais dans un magnifique jardin, inondé par les rayons du soleil. Une brise légère répandait le parfum des fleurs aux alentours, tandis qu’un rossignol chantait, perché sur la plus haute branche d’un saule verdoyant. Tout à coup, j’eus très soif. Je me retrouvai alors devant une fontaine de marbre blanc sur laquelle étaient sculptés aux quatre points cardinaux : un enfant, un lion, un poisson et un serpent. Je bus de son eau claire. Une fois désaltérée, j’eus brusquement très faim. Je me retrouvai alors devant un palmier et on me donna de ses dattes. Une fois rassasiée, j’eus des douleurs dans le bas-ventre et il se mit à grossir démesurément. Puis, un rayon de soleil vint le frapper et tout stopper. La souffrance était partie comme elle était arrivée. Mon ventre avait repris sa taille normale. C’est à ce moment précis que je me réveillai dans mon lit. ».
Le roi avait écouté attentivement le récit de son épouse sans esquisser le moindre geste, comme s’il était perdu dans ses pensées. La reine contempla son visage quelques instants. Puis, Ab ouvrit les yeux et se tourna vers Oum le sourire aux lèvres. La reine en pleura de joie, car tous les deux avaient immédiatement interprété ce songe extraordinaire qui annonçait la naissance d’un enfant ! Après avoir savouré ce doux moment, Ab lui pris la main : « C’est une merveilleuse nouvelle Oum ! Pour fêter cet événement comme il se doit, nous allons organiser de grandes festivités ! ». Oum acquiesça et les deux époux se redressèrent d’un même élan pour aller annoncer à tout le monde la bonne nouvelle.
Dès le lendemain, la cité des Saules revêtit ses plus beaux habits de lumière et chaque village du royaume fut invité à célébrer cet événement inespéré. Une fête somptueuse fut organisée au palais royal où la noblesse fut conviée à partager la joie retrouvée du couple royal. Pendant trois jours et trois nuits, les villageois s’amusèrent et festoyèrent partout dans le royaume, tandis qu’au palais on dansait au rythme des musiques les plus raffinées sans discontinuer. La première nuit, tout le monde paraissait heureux dans la grande salle de bal, excepté Nafs, le regard sombre et le visage faussement réjoui. Alors que les farandoles de jeunes gens s’entrelaçaient dans des arabesques interminables sous le regard des plus âgés, Nafs, quant à lui, expliquait à ses acolytes les raisons de son mécontentement : « Savez-vous ce que ça signifie ? leur demanda-t-il. Eh bien, moi, je vais vous le dire, continua-t-il sans attendre de réponse, ça signifie que je vais devoir laisser ma place à ce maudit rejeton ! Ce royaume m’est destiné ! Il n’a aucun droit de me le prendre ! s’emporta-t-il dans un accès de colère à peine dissimulé. ». Il avait parfaitement compris que son rêve d’accéder au trône s’évanouirait au moment même où le véritable héritier naîtrait…
La deuxième nuit, Nafs avait repris ses esprits après s’être longuement entretenu avec sa mère au petit matin. Il n’avait vécu que pour le jour où il monterait enfin sur le trône de son père. Dans ces conditions, l’arrivée d’un frère ou d’une sœur remettait tout en cause, à commencer par ce brillant avenir qui était pourtant tout tracé. Cela, Nafs, ne pouvait pas le supporter. Il se devait d’agir rapidement. La troisième nuit, alors que la cité était à peine endormie, il vola une partie du trésor royal après avoir soudoyé les gardes. Puis, il partit avec ses plus fidèles soldats en direction du pays voisin. Ils chevauchèrent jusqu’à l’aurore et au petit matin ils arrivèrent aux portes de la ville de Kafara, située dans une vallée désertique. Kafara était le repère de tous ceux qui avaient volontairement tourné le dos à la cité des Saules. Une ville sur laquelle planait un esprit aussi rebelle que dangereux…
Extrait du livre Prince Nafis, des rubis couleur du sang, J.M. Montsalvat, 2021.
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