Chapitre 1 – La cité des Saules
Dans une région lointaine vivait un souverain bon et juste nommé Ab le Grand. Unique héritier d’une lignée de seigneurs légendaires, il régnait sur la cité des Saules depuis la mort de son père, il y a plusieurs décennies déjà. Imitant ses prestigieux ancêtres, le roi Ab exerçait son pouvoir en despote éclairé pour maintenir une paix durable et rendre une justice impartiale. Pour accomplir cette lourde tâche, Ab était soutenu par son épouse, la reine Oum la Généreuse, qui était également sa meilleure conseillère. Oum appartenait à une illustre et vieille famille de la noblesse. La légende racontait que son aïeule avait fondé un village autour de trois magnifiques saules, qui en se développant avec le temps devint plus tard la cité des Saules, cette fabuleuse ville située sur un grand plateau montagneux à proximité du mont Salvat, réputé être le plus haut sommet du monde.
La cité des Saules était le cœur d’un formidable royaume, où cohabitaient en harmonie tous les êtres vivants. D’immenses forêts parcourues par toutes sortes de gibiers, des lacs profonds, des rivières aux eaux cristallines et des poissons à profusion, ainsi que de grandes plaines verdoyantes au-dessus desquelles voletaient les oiseaux. On trouvait de tout et on ne manquait de rien dans ce pays d’abondance. Certains allaient même jusqu’à dire que dans ce royaume paradisiaque vivait au moins un couple de chaque espèce d’animaux, d’arbres, de fleurs, d’insectes… connue sur la terre ! Quant aux hommes, ils vaquaient à leurs occupations selon leur nature et leur caractère. Il existait autant de métiers que nécessaires : paysans, pêcheurs, éleveurs, artisans, marchands, fonctionnaires, guerriers, enseignants… Tous avaient trouvé leur place et chacun participait selon ses moyens et ses qualités à la prospérité du royaume. En retour, chaque individu pouvait compter sur une solidarité sans faille de la communauté et en dernière instance, le roi lui-même se faisait un devoir d’accompagner personnellement chacun de ses sujets. Dans ce climat idyllique, tous bénéficiaient des fruits de la paix et de la justice instaurées par Ab le Grand.
Depuis son accession au trône, à la mort de son père, Ab avait travaillé sans relâche pour garantir le bien-être de ses sujets. Pour honorer sa mission, il pouvait toujours compter sur l’aide précieuse et le soutien inconditionnel de sa reine, dont l’empathie et la finesse d’esprit lui permettaient de s’attaquer à tous les problèmes, même les plus complexes. Malheureusement pour le couple royal, quelque chose n’allait pas dans ce monde qui semblait parfait. Le roi et la reine n’avaient pas pu avoir d’enfant. Ils avaient pourtant tout essayé. Ils avaient suivi à la lettre les conseils des médecins et autres apothicaires, bu les potions des meilleurs herboristes et testé d’anciens remèdes que l’on trouvait dans les vieux grimoires. Mais tout cela en vain. Après dix années de patience, le roi dû se résoudre à trouver un autre moyen pour assurer la pérennité du royaume. C’est ainsi que sa première concubine lui donna un héritier, un fils qu’ils nommèrent Nafs.
Avec cette naissance, le statut de la première concubine avait radicalement changé. La reine, dans sa grande sagesse, l’avait accueillie à bras ouvert au sein de la cour royale. Nafs fut donc élevé dans un environnement idéal, et en quelques années seulement, il était devenu grand, beau et fort. Le roi était fier de son unique enfant. Guerrier habile, il montait parfaitement à cheval, maîtrisait le tir à l’arc et le maniement de l’épée. C’était également un fin stratège et un tacticien hors pair. Aussi à l’aise parmi les soldats sur le terrain militaire qu’avec les plus vieux représentants de la noblesse. Doué d’une connaissance fine de la psychologie humaine, Nafs était le centre de la vie mondaine de la cité des Saules, et tout le monde savait qu’il deviendrait tôt ou tard le prochain monarque. Seul et unique héritier, la couronne lui revenait de droit. Ce n’était qu’une question de temps…
De son côté, Oum s’était généreusement effacée pour laisser un peu de place à la première concubine, qui en avait immédiatement profité pour tenter d’influencer le roi Ab avec l’aide de son fils. La reine n’était pas dupe de leur stratagème, mais il en allait de la bonne marche du royaume, alors Oum décida de ne pas s’interposer entre le roi et son premier-né. Avec le temps, la situation de la reine se dégrada fortement au point où elle perdit sa qualité de première conseillère au détriment de Nafs et de sa mère. Ce manège grossier ne cessa de s’amplifier, éloignant toujours plus le roi de sa reine. À ce rythme, l’avenir d’Oum s’assombrirait inéluctablement, à moins que le sort en décide autrement.
Extrait du livre Prince Nafis, des rubis couleur du sang, J.M. Montsalvat, 2021.
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