J’ai rencontré un jour un vieil homme dans un bazar d’Istanbul. Il m’a demandé de lui offrir un café à la turque. J’étais seul à cette époque et j’ai donc accepté. Nous avons longuement discuté autour de pâtisseries traditionnelles et pour me remercier, il m’a conté une drôle histoire.
Deux jeunes mariés avaient eu le bonheur d’avoir rapidement un bébé. En quelques années seulement, le poupon s’était métamorphosé en une fillette aussi vive d’esprit que jolie. Les parents étaient comblés, mais ils ressentirent bientôt un vide dans leur maison, que seul pourrait combler la présence d’un nourrisson. Ils décidèrent donc d’avoir un deuxième enfant. Le papa rêvait d’avoir un fils pour transmettre son nom et la maman voulait connaître le bonheur d’avoir une fille et un garçon. Malheureusement pour eux, le bébé tardait à venir. Ils avaient pourtant tout essayé. Ils avaient suivi à la lettre les conseils des médecins, bu les potions des meilleurs herboristes et testé d’anciens remèdes de grand-mères. Ils étaient même allés jusqu’à prier le saint du quartier dans son mausolée ! Mais tout cela en vain. Après dix années, la famille semblait avoir abandonné le projet d’accueillir un nouveau bébé. Mais c’était sans compter sur la providence. Un jour, la maman se mit à faire un rêve récurrent. Je vais vous le décrire au présent afin qu’il soit toujours aussi vivant.
Elle se trouve dans la bibliothèque de sa maison, où elle lit de la poésie qu’elle apprécie tout particulièrement. Puis soudain, elle entend un bruit. On frappe à la porte. Elle se lève et part en direction du vestibule. Elle ouvre lentement la porte d’entrée et se retrouve nez à nez avec trois jeunes hommes qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à son mari ! Ils sont beaux et élégants. Le premier porte un caftan fait d’un brocart de soie rehaussé de dessins brochés d’or et d’argent. Le second porte un costume trois pièces à l’européenne, taillé sur mesure, tandis que le troisième est habillé d’un beau vêtement, mélangeant harmonieusement modernité et tradition. Elle est si surprise par cette vision qu’elle en reste bouche bée ! Les trois jeunes hommes demandent alors à entrer, car ils cherchent un endroit où loger… C’est à ce moment-là que la maman se réveillait inévitablement. Elle n’en parla à personne, même pas à son mari, car elle avait peur d’être prise pour une folle. C’est qu’à cette époque, le psychiatre de son quartier avait la réputation de rendre ses patients encore plus fous ! Elle garda ce secret pour elle jusqu’au jour où elle fut victime d’hallucinations. Par moment, il lui semblait voir du coin de l’œil les trois jeunes hommes, attendant patiemment sur le perron de sa maison. Arrivée là, elle se dit que c’en était trop, mais elle ne savait que faire…
À suivre…
J.M. MONTSALVAT© 2020.