LE PÊCHEUR ET LE TRITON

Sirène

La fabuleuse histoire d’« Abdallah de la terre et Abdallah de la mer » est tirée du recueil de contes des « Mille et Une Nuits ». D’après certains spécialistes, elle aurait été écrite entre les XIIe et XIIIe siècles et serait vraisemblablement d’origine égyptienne. À noter que dans ce conte, tous les personnages se nomment Abdallah !

Abdallah de la terre est un pauvre pêcheur qui s’efforce de gagner sa vie honnêtement malgré les difficultés qu’il rencontre régulièrement. Depuis plusieurs semaines, il a beaucoup de mal à attraper du poisson et toutes ses tentatives se soldent par un échec. Un beau jour, en réponse à ses prières de plus en plus désespérées, il fait enfin une pêche miraculeuse. Il sort de ses filets de nombreux poissons. Lorsqu’il tente de remonter péniblement son dernier filet, il sent quelque chose de très lourd s’agiter dans l’eau. Il tire de toutes ses forces et voilà qu’apparaît soudainement un triton (équivalent masculin de la sirène). D’abord effrayé, Abdallah de la terre décide de s’enfuir en laissant son butin sur la plage, mais le triton le supplie de le libérer et de lui laisser la vie sauve. Pris de pitié, Abdallah de la terre libère le triton. Ce dernier se présente. Il se nomme Abdallah de la mer et pour le remercier, il lui propose un marché : des fruits et des légumes de la terre en échange de richesses puisées au fond de la mer. Abdallah de la terre accepte la proposition et le triton s’enfonce dans les profondeurs de la mer. Le lendemain matin, le pêcheur est sur la plage avec un panier des meilleurs fruits et légumes de son pays. Après quelque temps, Abdallah de la mer émerge de l’eau avec un sac rempli de corail rouge et de perles précieuses. Les échanges fructueux entre les deux compères se poursuivent jusqu’à ce qu’Abdallah de la mer finisse par inviter son ami terrestre à le suivre dans son monde.
Il vit dans l’une des nombreuses et très belles cités marines, chacune ayant sa propre organisation sociale et sa propre culture. Le pêcheur objecte qu’il risque de se noyer. Mais le triton a tout prévu, il lui propose un onguent enchanté extrait d’un poisson monstrueux et terrifiant : « C’est le plus énorme de tous les poissons de la mer, tellement que, d’une seule bouchée, il avalerait sans se gêner ce que vous autres, les terriens, appelez un éléphant ou un chameau. ». Le foie du monstre sécrète une huile aux vertus puissantes « […] semblable à la graisse des vaches, et dont la couleur était jaune comme celle de l’or, et dont l’odeur était délicieuse absolument. ». Cette substance est nécessaire pour permettre aux sirènes et aux tritons de survivre sous l’eau. Une fois enduit de l’onguent magique de la tête aux pieds, Abdallah de la terre est entraîné par son compagnon sous la mer afin de visiter les cités sous-marines, où différents peuples et créatures cohabitent. Il découvre stupéfait un spectacle merveilleux et contemple les richesses de la mer dont il ignorait jusqu’à l’existence. Après quelque temps, il est intronisé auprès du sultan de la mer. À la cour royale, l’aventure tourne bientôt à la farce et le pêcheur devient la victime des moqueries des filles du roi de la mer. Les sirènes se moquent de lui parce qu’il n’a pas de queue de poisson. Il est alors contraint d’expliquer ce qui chez les hommes la remplace ! Et le roi de conclure par une cocasse leçon de tolérance : « Louange à Allah qui a créé le derrière pour être une gloire dans un monde et un objet de risée dans un autre ». Vexé, Abdallah de la terre souhaite rentrer chez lui. Le sultan l’autorise à quitter le monde sous-marin. Abdallah de la mer raccompagne son ami à la surface de l’eau, frontière séparant le monde de la terre du monde de la mer, miroir dans lequel les deux mondes se réfléchissent et se répondent…

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